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Vente de seconde main et respect des droits de propriété intellectuelle : Quelles possibilités de réfection, réparation ou modifications ?

L’exemple du canapé TOGO met l’accent sur la vigilance requise

Aux termes de son jugement du 25 avril 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a retenu la contrefaçon d’un fauteuil Togo vendu en seconde main, sur un site dédié, aux motifs qu’il avait subi des modifications essentielles.

A l’heure de la prise de conscience des enjeux écologiques et de l’essor de la vente de seconde main, cette décision va probablement s’inscrire dans une lignée d’actions intentées par les marques de luxe contre les reventes de produits vintage retouchés pour les besoins de leur remise en état.

En l’espèce, les faits étaient les suivants – en substance :

La Société Ligne Roset jouit d’une forte notoriété dans le domaine de l’ameublement. Parmi ses produits phares, figure sa gamme de fauteuils et canapés dénommés « TOGO ».

Leur protection à titre de modèle ayant expiré, elle a – dans le cadre de sa stratégie de protection de ses actifs – notamment déposé la marque de l’Union européenne tridimensionnelle enregistrée sous le n°16691537 portant sur son canapé et la marque « ligne roset », i.e. :
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Outre ses droits de marque constituée de l’image de ce canapé, la Société Ligne Roset bénéficie de la protection accordée aux droits d’auteur en raison du design original de ce meuble.

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La Société Ligne Roset a eu connaissance de la mise en vente, sur une plateforme dédiée, de canapés TOGO vintage qui auraient fait l’objet d’opérations préalables de « remise en état ».

Considérant que ces interventions tierces avaient modifié son canapé et ne respectaient pas la configuration initiale de sa création, en ce compris ses standards de qualité, la Société Ligne Roset a, sur les fondements de la contrefaçon de droits d’auteur et de la contrefaçon de marque, assigné la plateforme concernée.

En défense, la plateforme a soulevé de nombreux moyens tendant à dénier le droit à agir de la société Ligne Roset.

Parmi eux,
Elle soutenait que la Société Ligne Roset avait épuisé ses droits à agir, à partir du moment où elle avait mis le canapé en question sur le marché de l’Espace économique européen (EEE).

L’épuisement des droits est une notion juridique qui limite le monopole conféré par les actifs de propriété intellectuelle. Concrètement, ce principe a pour objectif d’empêcher que le titulaire d’un droit ne réintroduise, par l’exercice de son droit exclusif, des barrières territoriales. Il permet ainsi de concilier la territorialité des droits de propriété intellectuelle – en l’espèce, marques et droits d’auteur – avec la libre circulation des biens et services dans l’EEE.

Concrètement, le principe de l’épuisement des droits a pour conséquence d’exclure toute qualification de contrefaçon dès lors que le produit a été mis sur le marché de l’EEE, pour la première fois, par le titulaire des droits de marque attachés, ou à tout le moins, avec son consentement.

Ce principe de l’épuisement des droits est mis en échec lorsque le titulaire des droits concernés démontre des motifs légitimes lui permettant de s’opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits. Parmi ces motifs légitimes figure le cas où les produits authentiques ont été altérés après leur première mise sur le marché.

Le but premier de la marque est de garantir au consommateur l’origine du produit.

La Société Ligne Roset soutenait que la commercialisation du fauteuil TOGO sous une formé altérée induisait nécessairement le consommateur en erreur quant à sa provenance.

En effet, tant la housse du canapé litigieux que la mousse constituant l’intérieur de celui-ci – éléments caractéristiques du TOGO – avaient été modifiées de manière substantielle, ce qui altérait sa ligne et portait atteinte à la qualité intrinsèque du TOGO, et a fortiori à son image de marque.

Le Tribunal a suivi le raisonnement et l’argumentation de la Société Ligne Roset.

Il a en effet considéré que les altérations en l’espèce étant substantielles, le motif légitime d’exception au principe d’épuisement de droits invoqué par la Société Ligne Roset était démontré.

Il a ainsi jugé, au regard des modifications intervenues, que cette version du meuble de « seconde main » constituait une contrefaçon des droits de la Société Ligne Roset sur sa marque tridimensionnelle.

Si le Tribunal a reconnu l’originalité du fauteuil TOGO, il a toutefois rejeté la contrefaçon des droits d’auteur attachés au TOGO, considérant que les altérations portées aux produits n’affectaient pas son aspect visuel mais seulement sa structure interne qui est invisible. Or, le droit d’auteur protège la forme, l’apparence visuelle externe de l’œuvre.

Cette décision est l’occasion de sensibiliser les revendeurs de produits de seconde main rénovés, notamment dans le secteur du luxe, à la nécessaire qualité des rénovations des produits revendus, en utilisant des matériaux nobles et dans le respect du savoir-faire de fabrication.
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Photo par Vlada Karpovich sur Pexels
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